Siège de Paris par les Normands, gravure du XIX siècle

885-886 : Siège de Paris par les Normands

Dès 808 les Normands, « hommes du nord » venus de Suède, de Norvège, du Danemark, avaient commencé à dévaster les côtes de la Francie occidentale (future France)  et à pénétrer à l’intérieur du pays en remontant les cours d’eau. Ils atteignent Paris par la Seine en 845, mais arrêtent leur avance contre une rançon. Ils y reviennent en 856 pour piller et brûler la ville et en 861 pour détruire le Grand-Pont, puis disparaissent pour vingt-quatre ans.

Nouvelle attaque

Le 27 novembre 885, les Parisiens se réveillent et voient avec effroi la Seine couverte par la forêt de mâts de plus de 700 vaisseaux transportant près de trente mille pillards enivrés par la prise de Rouen.

C’est le choc, mais depuis leur dernière attaque l’île de la Cité, où se replient les Parisiens, est entourée de remparts. Les deux ponts sont reconstruits et garnis de tours.

Le chef des Normands, Siegfried, en voyant une telle défense, propose d’abandonner l’attaque et demande seulement qu’on lui permet  de remonter librement le cours de la Seine pour aller piller de riches provinces de la Champagne et de la Bourgogne. On lui refusa.

Ainsi dans le froid du novembre commence le siège qui durera un an et qui ouvrira une des glorieuses pages dans les annales de Paris.

Rudes combats

Les Normands forment trois armées. La plus nombreuse frappe la citadelle de balles de fronde et la crible de flèches; les deux autres attaquent le Grand-Pont qui relie la Cité à la rive droite, et sa tour fortifiée, le Grand-Châtelet. Pour arrêter la marche de leurs énormes béliers, machines à seize roues, les assiégés les percent avec de lourdes poutres munies d’une pointe de fer. Des balistes, des dards, des catapultes, des flèches empoisonnées volent comme un essaim d’abeilles. Les Normands, malgré plusieurs tentatives de s’emparer du Grand-Pont, ne parviennent pas à briser la résistance.

Alors, le 6 février ils tentent de s’emparent du Petit Pont, reliant la Cité à la rive gauche. En pleins combats une subite crue de la Seine emporta le Petit-Pont, laissant isolé le Petit-Châtelet qui le protégeait. Du haut de cette tour, une roue énorme est envoyée par ses défenseurs sur les assaillants et en écrase six. Pour se venger les Normands allument une charrette de paille près des portes de la tour. Demeurés isolés dans la fumée, les douze défenseurs du Petit-Châtelet, Ermenfroi, Hervé, Erland, Odoacre, Ervis, Arnauld, Solin, Gobert, Uvid, Andrade, Emar et Gossuin se rendent. Ils sont massacrés aussitôt.

Un grand bruit s’élève dans la ville qui se mêle au son des cloches en répandant l’effroi. Tous prient le Saint-Germain et la Sainte-Geneviève dont les corps sont exposés dans la Cité. Les citoyens accourent pour soutenir la défense de leur ville. Entre tous les guerriers plusieurs brillent, plus forts que les autres.

Héros de défense

Eudes, comte de Paris, chargé en absence du souverain de gouverner et de défendre la ville, veille et combat : il déverse de la poix sur ceux qui veulent miner les murs, en contraignant l’ennemi à se jeter dans Seine. On crie aux Normands qui portaient une longue chevelure : « Ses eaux répareront le désordre de vos cheveux et les rendrons plus lisses !… »

Gozlin, évêque de Paris, planifie et dirige le renforcement des défenses tout en remettant le sort de la ville aux saints protecteurs. Pendant que l’ennemi comble les fossés au pied de la citadelle avec de la terre, des branches d’arbres, des vignes et des cadavres des animaux et des captifs, le saint prélat s’adresse à la Vierge: « Mère du Rédempteur… s’il te plaît que je célèbre encore la sainte messe, fais que cet impie, le barbare Danois, ce cruel qui massacre sans pitié les captifs, soit lui-même enveloppé dans les filets de la mort ! »

Son neveu, Ebles, l’abbé de Saint-Germain-des-Prés ou plutôt l’« abbé favoris de Mars », se montre un habile guerrier capable d’une seule flèche de percer sept hommes à la fois, puis donner l’ordre, en riant, de les faire porter à la cuisine !

Avec eux, le peuple et de nobles comtes Robert, Ragenaire, Huton, Erilang se défendent contre les païens qui dévastent les environs de la ville tandis que « Paris se tient debout, tranquille, inébranlable, au milieu des traits qu’on lui lançait de toutes parts ».

Délivrance

A l’issu de plusieurs mois de combats acharnés, les vivres manquent et la peste s’introduit, l’évêque Gozlin en meurt. Aucun aide n’arrive. Enfin, en septembre 886, le souverain Charles le Gros apparait sur les collines de Montmartre avec une forte armée ; les Normands, pour ne pas être encerclés entre les deux troupes, se replient sur la rive gauche et proposent de négocier. Au lieu de les attaquer, l’empereur accepte  de leur payer une rançon et le droit d’aller piller la Champagne et la Bourgogne !  Cet acte lui coutera cher.

Conséquences du siège

La réputation de Charles le Gros est gravement atteinte par cette attitude. Dès le mois de décembre 887, malade, il est dépouillé de son royaume et perd la vie. C’est la fin de la dynastie carolingienne. Eudes, admiré par sa résistance pendant le siège, est élu roi de Francie occidentale (888-898). Hugues Capet, son petit neveu, sera le fondateur de la dynastie capétienne qui régnera sur la France jusqu’au 1792 !

Les invasions avaient rendu déserts les faubourgs. L’abbaye de Saint-Germain-des-Prés était transformée en étable pour les vaches et les porcs ! L’agriculture ruinée entraîna le brigandage, la famine, les épidémies. Paris, délaissée sous les Carolingiens, réaffirme sa position stratégique au centre de la Francie occidentale et redevient sa capitale.

Battus près de Chartres en 911, les Normands s’installent dans la basse vallée de la Seine, futur duché de Normandie. Quant à Siegfried, ce puissant chef viking meurt à la bataille de Louvain en 891.

Le saviez-vous ?

Rue Gozlin, dans le 6ème arrondissement, porte le nom de l’évêque Gozlin, défenseur de Paris.

En savoir plus

Abbon, Histoire du Siège de Paris par les Normands, en 885 et 886, la principale source de cet évènement.

Sources :

P.Champion, L’avènement de Paris, éd. Calmann-Lévy, 1933
J.Hillairet, L’île de la Cité, les Editions de minuit, 1969
Wikipédia
20 septembre 2018, Ekaterina Tolstykh    
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