Paris Grad

Affaire Ravalet

Paris, place de Grève, le 2 décembre 1603.

Ce jour-là, au petit matin, Julien et Marguerite de Ravalet, frère et sœur, les enfants de Jean III de Ravalet, montent sur l’échafaud pour être exécutés. Leur crime ? Adultère et inceste.

Cette relation contre nature marque les esprits et soulève opinion publique jusqu’à parvenir aux oreilles du roi, Henri IV, qui aurait dit : « si la femme n’eut point été mariée il lui eût volontiers donné sa grâce, mais que l’étant il ne le pouvait ».

Julien, 21 ans, et Marguerite, 17 ans, sont issus de la fratrie de 11 enfants, tous nés au château de Tourlaville en Normandie, leur domaine familiale.

Dès l’enfance Julien et Marguerite sont inséparables, et cette proximité commence à rassembler à une relation amoureuse. Cela oblige leurs parents de les séparer. Julien est envoyé dans le collège de Coutances, sa sœur sera mariée à Jean Lefevre de Haupitois, collecteur de l’impôt plus âgé qu’elle de 32 ans !

Son mariage est un désastre et Marguerite fuit le toit conjugal en accusant son mari de maltraitance. Elle retrouve son frère. Malgré les mises en garde et l’interdit de l’église, frère et sœur cèdent à cette passion jugée à l’époque scandaleuse.
Ils sont obligés de se cacher d’abord à Fougères chez un oncle maternel, puis à Paris où ils vivent séparément.

Arrêtés en septembre 1603, sur demande du mari de Marguerite qui crie la vengeance, tous les deux sont jetés à Chatelet, torturés, jugés pour adultère et inceste et condamnés à la décapitation. L’exécution est pourtant retardée, car il faut attendre l’accouchement de Marguerite qui porte un enfant de son frère. Elle confiera son bébé à ses parents.

Le père de Julien et de Marguerite se jette aux pieds du roi Henri IV à la veille de l’exécution pour le supplier de gracier ses enfants, mais il ne peut compter que sur une maigre consolation : le roi accorde une inhumation chrétienne au lieu qu’ils n’aillent pourrir dans la fosse du gibet de Montfaucon.

Les amants sont enterrés dans l’église Saint-Jean-en-Grève (cette église se trouvait derrière l’Hôtel de Ville de Paris, voir au-dessous), avec l’épitaphe : « Ci-gisent le frère et la sœur. Passant ne t’informe pas de la cause de leur mort, mais passe et prie Dieu pour leur âme ».

Vandalisées sous la Révolution, les sépultures furent vidées et les ossements transportés aux Catacombes comme tant d’autres.

Cette affaire inspira le peintre Pierre Mignard pour son tableau « Marguerite et les amours » sur lequel on voit une châtelaine entourée d’angelots, mais n’en regardant qu’un, aux ails rouge sang et en disant : « un me suffit ».

Pour savoir plus :

Yves Jacob, « Les anges maudits de Tourlaville » (roman)

Michel Carmona, « Une Affaire d’inceste : Julien et Marguerite de Ravalet », Perrin

23 juillet 2018, Ekaterina Tolstykh    
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