
Bibliothèque Mazarine, 23 quai de Conti
Le troisième article de la série intitulée « Les plus belles bibliothèques de Paris » est consacré à la bibliothèque Mazarine. Ouverte à tous, elle est aujourd’hui rattachée à l’Institut de France, qui occupe depuis 1805 les bâtiments de l’ancien collège des Quatre-Nations. Ouverte aux lettrés et aux savants dès 1643, la bibliothèque Mazarine est la première bibliothèque publique.

Bibliothèque du cardinal
Comme son nom l’indique, les origines de la bibliothèque sont liées aux collections personnelles du cardinal Mazarin, ministre du roi de France de 1643 à 1661.

Cette collection, déjà riche de cinq mille volumes, sera organisée et développée par Gabriel Naudé, bibliothécaire renommé, érudit et passionné des livres rares. Muni de pleins pouvoirs, Naudé parcourt la Flandre, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, achetant tous les livres que Mazarin ne possédait pas.
On le représente entrant, une toise à la main, chez les libraires, mesurant les rayons, et fixant le prix d’après leurs dimensions. Il marchait beaucoup, et à force de discussions, d’insistance et d’importunités il finissait pour payer les livres moins cher que s’il se fût agi de poires ou de citrons. Naudé achète pour Mazarin une bibliothèque entière d’un chanoine de Limoge, nommé Descordes, pour vingt-deux mille livres, et près de six mille volumes chez les grands libraires et bouquinistes de Paris.

Très vite, la bibliothèque de Mazarin compte près de 50 000 mille volumes manuscrits et imprimés.
C’est dans son hôtel particuler, situé à l’angle des rues Vivienne et Neuve-des-Petits-Champs (actuel site Richelieu de la BNF), qu’elle était installée et ouverte chaque jeudi à tous « ceux qui y vouloient aller estudier ». C’est la première bibliothèque ouverte au public où on trouve :
« Livres tant rares que vulgaires
Dont chacun jusqu’au plus coquin,
Revestu d’un beau marroquin
D’une ravissante manière,
Sa tenoit à sa chacunière
Selon le rang où les mettoit
Celuy qui nous les achetoit« ,
dit une mazarinade, l’un de ces pamphlets rédigés contre le cardinal durant la Fronde (1648-1653).
Temps de troubles
Paris se soulève contre Mazarin. En janvier 1649, un arrêt du Parlement le déclare « auteur de tous les troubles » du royaume et ordonne la confiscation de tous ses biens. Par l’arrêt du 29 décembre 1651, le Parlement ordonne la vente des livres du cardinal qui se fait dans un désordre le plus absolu, par le saisi des lots pris au hasard. La bibliothèque est dispersée.
Reconstitution
Deux ans après, en 1653, Mazarin était de retours à Paris plus puissant que jamais. Il est résolut de reconstituer sa bibliothèque. Naudé est mort, François de La Poterie, son nouveau bibliothécaire, se fait aider par des ex-frondeurs, qui vinrent au-devant des désirs du cardinal et s’empressèrent d’acquérir des titres à sa faveurs en restituant les livres qui étaient demeurés entre leurs mains. Presque tous les volumes portaient sur les plats de la reliure les armes de leur maître, ce qui en rendait la possession fort compromettante !
Vers 1660, Mazarin avait à peu près réparé ses pertes. Des achats et des dons venus un peu de toutes parts l’avaient alors portée à trente mille volumes.
Nouvelle adresse
En 1661, dans son testament Mazarin lègue sa fortune à la fondation d’un collège, futur collège des Quatre-Nations. Construit par Louis le Vau entre 1662 et 1688 face au Louvre, quai de Conti, cet établissement fut destiné à la formation de soixante élèves issus des quatre provinces acquises par la France sous le ministère de Mazarin (Artois, Alsace, Roussillon, Pignerol).
Le cardinal lui léguait égalemnet tous ses livres, ainsi que les « tables, armoires, bancs et sièges servant à ladite bibliothèque » et il ordonnait qu’elle « fût ouverte à tous les gens de lettres deux fois par chacune semaine ». La pérennité de la bibliothèque était assurée.

Bibliothèque Mazarine sous la Révolution
Pendant la Révolution, l’activité de la Bibliothèque Mazarine fut maintenue justement en raison de son caractère public, tandis que le collège était supprimé. Son bibliothécaire, Gaspars Michel, dit Leblond, enrichit considérablement ses collections grâce aux afflux des livres provenant des bibliothèques aristocratiques et ecclésiastiques. Un million cinq cent mille volumes furent à la disposition des bibliothécaires de Paris, avec autorisation d’y puiser à leur gré, pour compléter les collections qui leur étaient confiées.
Aujourd’hui
La bibliothèque Mazarine est l’une des plus riches en France avec sa collection de plus de 600 000 documents dont 2 300 incunables (premiers livres imprimés) et 4 900 manuscrits, du IX au XX siècle.
Ornée de meubles et d’objets d’art anciens, de bustes antiques et classiques, de boiseries elle perpétue le décor unique d’une grande bibliothèque du XVII siècle.

Sources : F. Hoffbauer, Paris à travers les siècles Site de la Bibliothèque Mazarine8 décembre 2018, Ekaterina Tolstykh