Hôtel de Nesle : la résidence parisienne de Jean de Berry

Situé sur la rive gauche en face du Louvre (à l’emplacement actuel de l’Institut de France), l’Hôtel de Nesle a connu une période brillante grâce au duc de Berry (1340-1416) qui en fait son habitation fastueuse.

Troisième fils de Jean II le Bon, il est aussi le frère de Charles V le Sage et l’oncle de Charles VI le Fol. Sa naissance lui assure son statut : il est fait comte de Poitou, duc de Berry et d’Auvergne. Pourtant, il n’a pas de talent et d’habilité de ses frères, Charles V, roi de France, et Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, tous les deux actifs et audacieux sur le plan politique. Ne pouvant pas jouer un rôle remarquable dans les affaires du royaume, plongé dans la guerre de Cent Ans, il se passionne pour des œuvres d’art.Ses riches collections de pierres précieuses, bijoux, tapisseries, vaisselle en or et argent, lui valent le nom « Jean le Magnifique ». Sa bibliothèque rivalise avec celle du roi et contient des beaux livres enluminés, y compris un véritable chef-d’œuvre, «Les Très Riches Heures du duc de Berry », réalisé en partie par les fameux frères Limbourg.

Grand bâtisseur, Jean de Berry ne possède pas moins de 17 châteaux : celui de Bicêtre, de Mehun-sur-Yèvre, les palais de Bourges et de Poitiers, mais aussi l’hôtel de Nesle, sa résidence parisienne.
C’est Charles VI, roi de France et son neveu, lui donne cette demeure en 1380. Construit au XIII siècle par un seigneur de Nesle, l’hôtel s’appuie sur l’enceinte de Philippe Auguste, érigée entre 1190 et 1220. Cette particularité des hôtels princiers parisiens s’explique par la possibilité de sortie rapide de la ville en cas d’une émeute (l’hôtel de Bourbon, d’Alençon, de Bourgogne sont construits à proximité des remparts).
L’Hôtel comprenait aussi la robuste Tour de Nesle, haute de 25 mètres. Elle terminait la muraille de Philippe-Auguste au bord du fleuve et c’est pour indiquer le chemin aux bateaux, qu’on y accrochait une grosse lanterne en bois et en vessie de porc. Suspendue sur une potence, cette lumière était l’un des trois points d’éclairage à Paris tout au long du Moyen Age !
Jean de Berry, une fois en possession de l’hôtel, en fait une résidence luxueuse. Il restaure et embellit tous les appartements, construit des galeries, une bibliothèque, une chapelle et un jeu de pomme. Pour agrandir sa demeure, il achète des terrains en dehors du mur et fait ériger le « séjour de Nesle ». Mais la vieille enceinte de Philippe Auguste depuis le règne de Jean II le Bon est entourée de larges fossés. Un pont de bois et une poterne qui mènent dans l’hôtel sont jugés indignes. Ses entrées sont remplacées par un pont en pierre et une porte monumentale, dite « porte de Nesle ».
Jean de Berry voit malheureusement son « séjours de Nesle » pillé et ruiné lors de l’émeute cabochienne (1413). Des dégâts étaient tels, que le duc n’a jamais pu le rétablir.
La défaite d’Azincourt (1415) le priva d’une partie de sa famille. Affaibli moralement et physiquement, il meurt en l’hôtel le 15 juin 1416.
Après sa mort, l’hôtel entre en période de décadence, même s’il reste attaché à la couronne. Il est aliéné par Charles IX en 1570. La Tour de Nesle, son dernier vestige, est détruite en 1665. Le Collège des Quatre Nations (actuel Institut de France) est construit à son emplacement.
Le saviez-vous ?
En avril 1314, éclate une affaire d’adultère qui implique les trois belles-filles du roi de France, Philippe IV le Bel. Jeunes épouses de ses fils, Marguerite de Bourgogne, Jeanne et Blanche d’Artois, s’amusent dans la Tour de Nesle en compagnie de deux frères d’Aulnay. Si Marguerite et Blanche sont des maîtresses de Gautier et de Philippe, Jeanne, la plus sage, n’est qu’une complice et ne dit rien. Jeu terriblement dangereux, car l’adultère d’une princesse met en danger la pureté du sang royal et légitimité de l’enfant né de telle liaison. La réaction est violente : les trois princesses se trouvent en prison et les frères d’Aulnay sont mis en mort avec une sauvagerie exemplaire sur la place de Grève.
Cette affaire inspire Maurice Druon pour son roman « Les Rois Maudits ».

Sources :
Minois G., Philippe le Bel, éd. Perrin, 2014
Hoffbauer M.F., Paris à travers les âges, éd. Inter-Livres, 1993
Jean Dufournet, Les Très Riches Heures du duc de Berry, 1995
1 avril 2018, Ekaterina Tolstykh    
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