Peinture de massacre de la saint-barthélémy

La nuit de la Saint-Barthélemy

Le 18 août 1572, Paris célèbre le mariage de Marguerite de Valois, sœur du roi de France, avec Henri de Bourbon, roi protestant de Navarre. Cette union vise à assurer une alliance entre les catholiques et les protestants. Les noces s’accompagnent de fêtes somptueuses, mais « … la fortune… changea bien tôt cet heureux état de triomphe… en un tout contraire».

Paris, une poudrière

Pour Paris, farouchement anti-huguenot, ce mariage entre une fille de France et un calviniste est contre nature. Le pape lui-même, Grégoire XIII, n’a pas donné son accord pour le célébrer et la reine mère Catherine de Médicis met en œuvre toute son habilité pour convaincre Charles de Bourbon, archevêque de Rouen, d’unir les époux.

Les prédicateurs parisiens ne sont pas convaincus et prêchent ouvertement la haine envers les protestants : « je ne dirai jamais que nous ayons un bon roi, tant que cette malheureuse religion diabolique sera tolérée en France… Par quoi, jusqu’à ce qu’on ait exterminé en France… les chefs de la fausse religion, je ne dirai pas qu’il y ait un bon roi de France… » (Simon Vigor, curé dominicain de l’église de Saint-Paul).

Le peuple parisien, échaudé par de tels sermons et la canicule d’été, plonge dans la haine et l’envie renforcées par la misère. En effet, les récoltes sont mauvaises et les prix du blé haussent. Paris regorge de mendiants que la détresse a jetés dans ses murs. Ils se voient soudainement confrontés au luxe le plus inouï qui défile devant leurs yeux : habillement, pierreries, parfums…

Basculement

Les choses basculent le 22 août. Le duc de Guise, chef du parti ultra-catholique, décide d’organiser une embuscade contre son rival, amiral de Coligny, chef du parti protestant. Jaloux d’un prestige inégalé de Coligny auprès du roi Charles IX, de Guise engage Charles de Louvier de tuer l’amiral. Mais l’assassin manque son affaire ; Coligny est seulement blessé par deux coups d’arquebuse.

Les protestants scandalisés manifestent publiquement. On entend des cris de haine contre les Guise et la famille royale. Les plus exaltés menacent de s’en prendre à la reine et au duc d’Anjou, frère du roi connu pour son hostilité aux huguenots. La crainte de prise d’armes précipita les événements. Catherine de Médicis, faisant probablement partie du complot contre Coligny, convainc Charles IX que les huguenots veulent ôter la couronne de sa tête.

Le Conseil royal est tenu le 23 août durant lequel Charles IX déclare qu’on l’avait averti que « ceux de la Nouvelle Religion » avaient conspiré contre lui et son Etat et finit par dire : «Eh bien… soit ! Qu’on les tue tous pour qu’il n’en reste pas un bon pour me le rapprocher après ! »

L’ordre est donné aux autorités parisiennes de fermer les portes de la ville, d’enchaîner tous les bateaux sur la rive droite et convoquer la milice. Pour se reconnaître les massacreurs attacheront une écharpe blanche au bras gauche. Le 24 août, à 3 heures du matin, la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois, voisine du Louvre, sonne le tocsin. C’est le signal.

La « grande exécution »

La troupe du duc de Guise part pour assassiner l’amiral, dont la résidence est située à deux pas du Louvre, rue de Béthisy (aujourd’hui 144, rue de Rivoli). Allongé sur le lit, Coligny est transpercé de coups d’épée. Son corps est défenestré sur le pavé aux pieds du duc de Guise. Comme le cadavre est couvert du sang, de Guise lui « torche le visage » et s’exclame : « Ma foi, c’est bien lui ! ». Emasculé et décapité, le corps de Coligny est traîné par les enfants dans les rues avant d’être pendu sur le gibet de Montfaucon.

La première vague meurtrière commence. Vers 4 heures du matin, les envoyés du parti catholique parcourent les rues en appelant au meurtre des huguenots sur l’ordre du roi : « Tue ! Tue ! Oh huguenot ! ». On attaque en premier les hôtelleries où sont descendus les gentilshommes protestants venus assister au mariage de leur prince. Au Louvre, on massacre des fidèles d’Henri de Navarre, dont son gouverneur Beauvais.

Un homme frappe à la porte de Marguerite de Valois : « ce fut le gentilhomme nommé Monsieur de Léran, qui avait un coup d’épée dans le coude et un coup d’hallebarde dans le bras, et était poursuivi de quatre archers, qui entrèrent tous en ma chambre….Nous crions tous deux, et étions effrayés l’un que l’autre. Enfin Dieu voulut que Monsieur de Nançay, capitaine des gardes y vînt… il se courrouça fort aux archers de cette indiscrétion, les fit sortir… me conta ce qui se passait… »

On promène à travers des rues, le poignard au col, des protestants qu’on égorge sitôt les rives de la Seine atteintes. S’ils surnagent, on les achèvera à coup de pierre… Les huguenotes enceintes sont particulièrement visées. Une comtesse demeurant rue Saint-Martin, refugiée sur le toit de sa maison, est attrapée, poignardée et précipitée dans le vide.

La violence se poursuit avec le pillage des maisons. Le nonce Salviati raconte : « Les Parisiens se sont mis au pillage avec une extraordinaire avidité… tel va dépenser, parader au cheval, rouler carrosse, manger et boire dans de la vaisselle d’argent qui n’en avait jamais rêvé… »

Le lendemain du massacre

Au lendemain du massacre, la ville, étouffante de chaleur, offre un affreux spectacle. Les rues ressemblent à des ruisseaux de sang, la Seine en était rouge et les corps s’entassaient sur les berges. On retira des flots au moins mille huit cents cadavres. La cour du Louvre est un charnier : partout des cadavres et des blessés.

Vers 11 heures du matin, le prévôt des marchands, Le Charron, reçoit un ordre du roi de cesser les « meurtres, pilleries, saccagements, séditions ». Charles IX, dépassé par les événements, prend des mesures pour cesser les exactions et tente de réduire le massacre à la dimension d’une vendetta menée par les Guise. Le 26 août il fini par se rendre au Parlement pour endosser sa responsabilité de l’exécution des chefs huguenots qui fomentaient un complot contre lui et sa famille. Les coupables, donc étaient justement châtiés. Le roi s’assure de ne pas vouloir s’en prendre aux autres protestants.

Une nouvelle court qu’au cimetière des Innocents, une aubépine, symbole de la pureté, a fleuri pour la seconde fois : « une épine sèche et morte a produit des branches vertes et jeté des fleurs ». Par cette floraison miraculeuse, on l’affirme, Dieu approuve le meurtre des hérétiques !

Victimes du massacre

On estime à 3 000 le nombre de victimes parisiennes, mais…

De savoir le nombre des morts
C’est une chose impossible ;
Sans fin, sans cesse les corps
Pendant la fureur terrible,
Tant de mâles que de femelles
Etaient tous jetés dans l’eau
Pour emporter des nouvelles
Jusqu’à Rouen, sans bateau.
(Chanson Nouvelle, publiée au lendemain du massacre)

Rescapés célèbres du massacre

Maximilien de Béthune, futur duc de Sully et ministre d’Henri IV

Maximilien n’a que douze ans quand il est réveillé en sursaut par le tocsin dans une auberge. Son gouverneur et son valet de chambre sortent pour savoir la cause du tumulte. Les malheureux ne reviendront pas. Le garçon ne perd pas la tête et décide d’aller dans son collège de Bourgogne, où il fait ses études, en prenant sous le bras un livre d’heures. L’enfant tombe sur trois corps de gardes, mais le pieu livre et son sang-froid lui sauvent la vie.

Ambroise Paré, chirurgien du roi

Envoyé par Charles IX soigner les blessures de Coligny, Paré « qui était fort huguenot » veille sur l’amiral quand les portes de sa maison s’ouvrent. Paré a à peine eu le temps de s’enfuir par le grenier et par les toits.

Philippe Duplessis-Mornay, homme d’Etat et écrivain

Il parvient à se sauver grâce à la complicité de son logeur, qui lui permit de rester caché entre deux toits pendant toute la journée du 24 août.

Le saviez-vous ?

De nombreux corps des protestants étaient basculés dans la Seine. Onze cents cadavres sont venus s’amonceler au tournant du fleuve devant la colline de Chaillot. On y envoie des fossoyeurs qui enterreront les corps dans l’île Maquerelle qui se trouvait là. Cette île sera un jour rattachée à la terre ferme. En 1887, des centaines d’ossements seront découverts lors du creusement des fondations d’un monument destiné à accueillir l’Exposition universelle de 1889 … la Tour Eiffel !

Sources
N. Le Roux, Les Guerres de religion, Belin, 2009
Catalogue d’exposition « Fêtes et crimes à la cour d’Henri III », L’Objet d’Art, hors-série N 52
H. Carré, Sully, Payot, 1980
J.-P. Babelon, Paris au XVI siècle, Hachette

Des citations sont tirées de :
Mémoires de Marguerite de Valois
Œuvres complètes de Brantôme

8 octobre 2018, Ekaterina Tolstykh    
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