Le crieur clocheteur des trépassés

Le « cri » ou « criage » de Paris fut établi par Philippe-Auguste, roi de France (1180-1223). Six maîtres crieurs nommés par l’administration municipale devaient par le cri faire office de la publicité. Chacun de ces six maîtres avait sous ses ordres un certain nombre de crieurs qui allaient par la ville annoncer dans tous les carrefours, outre les actes officiels, le prix de diverses marchandises, les maisons à vendre, les objets perdus, les enfants disparus, les baptêmes, les mariages et les enterrements.

Pompes funèbres à l’ancienne

Autrefois, les diverses formalités lors d’un décès n’existaient pas : on n’envoyait pas de lettres de faire part et l’usage des corbillards (ils sont apparus au XVIII siècle à Paris) n’existait pas non plus. Les mêmes crieurs avaient charge de porter le cercueil jusqu’à la paroisse du défunt, puis jusqu’au cimetière, ordinairement proche de l’église.

Des crieurs clocheteurs des trépassés portaient une longue robe noire chargée de deux têtes de mort, placée l’une sur la poitrine et l’autre entre les épaules ; une cloche et une lanterne complétaient leur habillement.
Ils parcouraient des rues de la ville dans les ténèbres de la nuit agitant leur clochette d’où leurs noms. Ils prononçaient à haute voix le nom du mort et l’heure de son enterrement et faisaient précéder cette annonce d’un refrain à moitié chanté :
Réveillez-vous, gens qui dormez
Priez Dieu pour les trespassez.

Même le sommeil le plus profond ne pouvait pas résister à son chant monotone, d’autant mieux que, pour se faire entendre par des gros dormeurs, il frappe aux portes des maisons avec son bâton. Pauvres honnêtes bourgeois réveillés en sursaut afin de prier pour le repos des défunts !

Ces clameurs n’étaient pas du goût de tout le monde ; le poète du XVIII siècle Saint-Amant, dans une pièce intitulée « La Nuit » se plaignait, dans les vers suivants, d’un de ces sinistres hurleurs, dont les cris épouvantaient les enfants et troublaient les dormeurs :

Le Clocheteur des Trépassés
Sonnant de rue en rue
De frayeur rend les cœurs glacés…
Et mille chiens, oyant sa triste voix,
Lui répondent à longs abois.

Lugubre courrier du destin,
Effroi des âmes lesches,
Qui si souvent, soir et matin,
Et m’esveille et me fasches,
Va faire ailleurs, engeance de démon,
Ton vain et tragique sermon !

Ce criage des trépassés subsistera jusqu’à la Révolution.

Sources :

M.F. Hoffbauer, Paris à travers les âges, 1993
E. Defrance, Histoire de l'éclairage des rues de Paris, 1904
30 juillet 2018, Ekaterina Tolstykh    
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