Les minimes de Paris

Les Minimes de Paris et leur couvent de curiosités

L’ordre mendiant des Minimes est fondé en Calabre en 1436 par Saint François de Paul (1416-1507). Son nom en latin « Ordo Minimorum » se traduit comme « les plus petits des hommes », car l’humilité et la charité sont la vocation de ces religieux vêtus d’une longue robe noire.

Marie de Médicis, reine de France et fervente catholique, favorise leur installation à Paris en 1609. A deux pas de la place Royale, alors en pleine construction, les Minimes achètent 2 toises de terrain pour y construire un couvent avec une chapelle et quelques bâtiments de première nécessité. Une vaste église, dont la construction commence en 1657 sur les plans de François Mansart, sera un joyau de cet enclos. Fort belle et richement décorée, elle accueille des sépultures des nobles familles (les Colbert, de Villarcerf, des Valois-Angoulême).

Pourtant, ce n’est pas pour la beauté architecturale que le couvent se distingua, mais par son bouillonnement intellectuel. Les frères Minimes sont férus de la science. Faisons connaissance avec certains d’entre eux :

• Père Marin Mersenne (1588-1648)

Ecclésiastique à la culture encyclopédique, théologien, philosophe, mathématicien, passionné de la musique, il est l’âme du couvent. Mersenne entretient une correspondance avec tous les grands savants d’époque : Hobbes, Galilée, Kepler, Pascal, Descartes. Ce dernier devient son ami et passe l’hiver 1622-1623 dans le couvent et y séjourna de nouveau entre 1625 et 1628.

Mersenne fonde la fameuse « Academia Parisiensis », où on préfère des vérités démontrées à l’autorité des auteurs anciens. Cette institution informelle préfigure la future Académie des sciences créée par Colbert en 1666. A une époque où la presse scientifique n’existait pas, l’Académie de Mersenne fut le centre d’échange d’informations. Les réunions se tiennent dans les maisons de chacun de ses membres, ainsi que dans sa propre cellule. Il a près de cent quarante correspondants et par ce biais il fait connaître les uns aux autres et n’hésite pas à provoquer des disputes entre ses savants amis dans le but de faire progresser la connaissance.

• Père Jean-François Niceron (1613-1646)

Depuis sa jeunesse passée à Rome, père Niceron aime s’amuser en créant des tableaux en trompe-l’œil. Passionné de l’optique, il est capable de représenter un portrait du duc de Toscane en nombreuses têtes de Turcs !

Dans son livre « La Perspective curieuse » (1638) il étudie les règles à suivre pour composer des « anamorphoses », figures étirées au point de devenir méconnaissables et qui, vue sous un certain angle, reprennent leurs formes. Certains artistes créent ce genre d’images dès le XVI siècle (Holbein le Jeune, « Les Ambassadeurs » avec l’anamorphose d’un crâne au bas du tableau).

C’est à l’aide de drôle d’appareil qu’il réalise ses trompe-l’œil : l’image à étirer, fixée sur un cadre, était reportée sur un mur ou sur un plafond, grâce à un fil, par une série de points dont la juxtaposition dessinait des principales lignes de l’anamorphose.

Les habitants du Marais et les « curieux » de la capitale s’empressaient de conduire leurs hôtes étrangers dans les galeries du cloître, où le père Nicéron avait peint les immenses paysages qui, vus d’enfilade, se transformaient en figures de Saint-Jean et Marie-Madelaine.

• Père Charles Plumier (1646-1704)

Naturaliste, amoureux de plantes, auteur de plusieurs ouvrages sur la botanique, père Plumier réalise plusieurs voyages en Indes et en Amérique d’où il apporte plusieurs volumes de dessins et de peintures : plantes, oiseaux, poissons et insectes exécutés par lui-même avec beaucoup d’exactitude.

Il se consacre également à la rédaction de « L’art de tourner en perfection » illustré de 80 gravures. Le père Plumier y décrit des diverses façons de tourner ces extraordinaires objets d’ivoire : coupes, vases, boules ajourées tournant les unes dans les autres. Il révèle de nombreuses sortes de tours, tour à pointes, tour « en air », tour à faire l’ovale, une douzaine au total qui permettent de réaliser ces chefs-d’oeuvre de patience et d’ingéniosité si recherchés par de nombreux collectionneurs.

D’autres frères ne cessent pas de nous étonner. Père Diron présente une arquebuse « chargée de vent par une seringue qui est dans le gros bout du canon » ! C’est l’ancêtre de la carabine à l’air comprimé.

Et voici l’apothicaire des Minimes, père Martinet, entouré d’alambics, fourneaux et cornues, au milieu de vapeurs aux parfums étranges.

En 1679, il avait accepté d’extraire des cendres d’étranges plantes à la demande de deux sorciers, Vanens et Cadelan. Les expériences de Martinet avaient mal tournées. Ces deux magiciens travaillaient pour le compte de la Bosse et de la Voisin, deux empoisonneuses impliquées dans l’Affaire des poisons et brulées vives en place de Grève. A cette époque, Paris est dans l’agitation.

Le lieutenant général de la police, Gabriel Nicolas de La Reynie, ordonna de faite comparaitre le père Martinet devant le tribunal de la Chambre Ardente, mais ledit oiseau s’est envolé de son nid. On a découvert dans ses cucurbites ce qu’à la fin devait être le « Grand Œuvre », c’est-à-dire la transmutation du plomb ou de tout autre métal en or. Martinet avait raison de s’enfuir, car ça sentait un peu le fagot !

Telle était la savante époque du Marais du Grand Siècle disparue dans le tourment de la Révolution ! Qu’est-ce qu’il nous reste aujourd’hui ? Seuls les noms de rues nous rappellent la présence de ce couvent. La haute arcade du pavillon de la Reine de la place des Vosges (autrefois place Royale) donne accès à la rue de Béarn, anciennement rue de la Chaussée des Minimes. Elle se croise avec l’actuelle rue des Minimes. Ici au N 8-12 on peut encore voir le dernier vestige de l’Enclos des Minimes, pan de façade de leur splendide église.

Sources : 
J. Wilhelm, La vie quotidienne au Marais au XVII siècle, Hachette, 1966
Wikipédia
30 août 2018, Ekaterina Tolstykh    
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