Nicolas Flamel

Nicolas Flamel, écrivain et bourgeois de Paris

Ce nom était rendu célèbre par J.K. Rowling qui, dans son roman « Harry Potter et la pierre philosophale »,  présente Nicolas Flamel comme alchimiste et  gardian du secret que l’on appelle la « Grande Œuvre », transmutation des métaux en or.

En vérité, Nicolas Flamel exerça un bon métier et vécut dans Paris médiéval. Son époque est troublée : la Guerre de Cent Ans apporte la misère, la famine et la mort. Le temps est donc propice à toute tentative de trouver la formule tant convoitée pour s’assurer la vie éternelle et la richesse. Mais il semble que Nicolas Flamel n’ait jamais pratiqué l’alchimie. Voici un portrait d’un homme avisé, humble et pieux.

Quartier Saint-Jacques-de-la-Boucherie

Bruyant, aux odeurs écœurantes, le quartier est l’un des plus animés à Paris. Il doit son nom à l’église, qui le domine, le siège de la guilde des bouchers parisiens qui cumulent entre leurs mains de grandes richesses car la viande est un luxe.

D’autres métiers y sont exercés, par exemple, celui des « escrivains ».  Regroupés dans la rue des Ecrivains, ils sont à proximité du Châtelet, siège de la Prévôté de Paris, du Palais de la Cité, qui abrite l’administration de la ville, et de l’Université, fief des étudiants et des professeurs. Ces trois sites leur fournissent beaucoup de travail.

C’est dans cette rue des Ecrivains que jeune Nicolas Flamel, originaire de  Pontoise où il est né vers 1340, s’installe pour faire son apprentissage.

Métier d’écrivain

Au Moyen Age, un écrivain c’est un copiste-calligraphe, une sorte de secrétaire public, indispensable pour rédiger à la main tout document : lettre, testament etc. C’est un homme recherché et respecté de tous, à l’époque, quand la majorité des gens était illettrée. Le métier reste très lucratif jusqu’à l’invention de l’imprimerie  à la fin du XV siècle.

Il y a des écrivains qui n’ont pas besoins de grand talent. Ce sont ceux qui rédigent des textes simples. C’est un travail ennuyeux : 62 lignes sur 2 colonnes, 32 lettres par ligne. En moyenne, un copiste écrivait 3 colonnes par jour, c’est-à-dire une page et demie de texte. L’un d’eux s’ennuie tellement qu’il écrit dans la marge : « donnez un peu de vin pour le copiste » !

Il y a d’autres écrivains, ceux du luxe qui copient des beaux manuscrits enluminés, ornés d’images fines et de lettrines dorées. Leur travail est long et couteux, qui demande une équipe de spécialistes pour faire la réglure, préparer le vélin et le parchemin, la reliure, l’encre et les couleurs, enfin copier le texte, faire des lettrines, enluminer l’ouvrage. Pour quelle récompense ? Le livre dont la beauté fait retenir le souffle.

Nicolas Flamel se lance dans ce domaine de luxe. Son apprentissage, suivi de plusieurs années de travail assidu, lui permet d’ouvrir sa propre échoppe dans le même quartier et embaucher des apprentis, scribes et enlumineurs.

Notable bourgeois de Paris

Sa boutique attire une clientèle aisée. Les rapports commerciaux avec Jean de Berry, frère du roi Charles V le Sage, expliquent la réussite de Flamel. Le duc de Berry est un bibliophile passionné, collectionneur et mécène pour lequel Nicolas Flamel réalise une calligraphie particulièrement fine ainsi que plusieurs ex-libris.

Il devient l’un des hommes les plus riches de sa paroisse. Sa fortune est due également aux placements astucieux sur le marché de l’immobilier et à l’apport de sa femme, dame Pernelle, déjà deux fois veuve et fortunée.  Elle resta sa femme pendant 29 ans. Leur mariage, même sans enfants, était heureux, et Nicolas Flamel  ne s’est jamais remarié après la mort de son épouse.

L’homme de charité

Il consacre sa vie aux œuvres charitables et vit en bon chrétien, humble, sans folles dépenses. Son époque, « âge de plomb, temps pervers, ciel d’airain » (Eustache Deschamps), est frappée par des fléaux tels que la guerre, la peste, la famine.  La misère est partout, la misère est immense.

Nicolas Flamel fait construire et restaurer plusieurs maisons (à coté de l’église de Saint- Nicolas- des- Champs à Paris, à Neuilly, Nanterre, la Villette, Aubervilliers) avec un seul but d’héberger des pauvres. L’une d’elle, appelée la « Maison au Grand Pignon », est construite à deux pas du quartier Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Aujourd’hui, nous pouvons la contempler car, même remaniée à l’intérieur, la façade est restée quasiment intacte. Datée de 1407, la maison au N 51, rue de Montmorency est considérée comme la plus vielle demeure de Paris avec un décor unique.

La mort de Nicolas Flamel

Malgré sa modestie, il n’a pas voulu quitter ce monde inaperçu. De son vivant, Nicolas Flamel ordonne des obsèques impressionnantes avec des messes solennelles illuminées par des torches. Il avait payé la somme de 14 francs pour droit de sépulture à l’église Saint-Jacques et a préparé son testament ainsi que sa pierre tombale (conservée au musée de Cluny) avec une épitaphe suivante:

« Feu Nicolas Flamel jadis écrivain

A laissé par son testament à l’œuvre de cette église

Certaines rentes et maisons qu’il avoit

Acquestées et achetées à son vivant

Pour faire certain service divin et distribucions d’argent

Chascun an par aumosne touchants les quinze-vins, l’ostel dieu

Et autres eglises et hopitaux de Paris.

Soit prié pour les trespassez »

 

Le jour de sa mort, le 22 mars 1418, les cloches de l’église « sonnaient notablement » et le diner était organisé pour ses voisins. Les familles pauvres du quartier reçurent chacune 4 deniers, un chaperon et des chausses et 50 religieux  des draps pour en faire des habits.

 

La légende

Dès la fin du XV siècle, les rumeurs circulent autour de certaines fortunes bourgeoises : ce fut le cas notamment de Jacques Cœur, argentier du roi de France Charles VII.

Nicolas Flamel n’a pas échappé à ces rumeurs et plusieurs traités alchimiques lui furent attribués, au cours des siècles, dont le plus célèbre est « Le Livre des figures hiéroglyphiques » paru en 1612.

Il n’existe aucun ouvrage d’alchimie signé de sa main et d’après les historiens il est fort probable que « le plus populaire des alchimistes français ne fit jamais d’alchimie ».

Sources :

Nigel Wilkins, « Nicolas Flamel. Des livres et de l’or », Imago, 1993
Léo Moulin, « La vie des étudiants au Moyen âge », Albin Michel, 1991

Si vous aimez cet article,  découvrez d’autres histoires en suivant ma visite guidée du « Marais Médiéval ».

9 septembre 2018, Ekaterina Tolstykh    
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