Paris de Bedford (1422-1436) : la ville sous l’occupation anglaise

L’An du Seigneur 1422, le 21e jour du mois d’octobre, trépassa de ce siècle le roi de France Charles VI le Fou. Malgré ses crises de démence, il régna «plus longuement que nul roi chrétien… car il régna quarante-trois ans ».

Les crieurs, avec leurs sonnettes, ont annoncé à haute voix dans les rues et aux carrefours de Paris sa mort, chacun pouvait maintenant venir le voir « en son hôtel de Saint-Pol… dedans son lit en sa chambre, le visage entièrement découvert…»

Charles VI le Fou sur le lit de mort / Image tirée de : www.histoire-fr.com
Charles VI le Fou sur le lit de mort / Image tirée de : www.histoire-fr.com

Le 9 novembre, son long cortège funéraire quitta Paris pour Saint-Denis accompagné par quatre parlementaires en rouge, trois chevaliers portant l’épée royale, la couronne et l’écu aux fleurs de lys, par le peuple et les serviteurs. Où sont les membres de la famille du roi ou des seigneurs du sang de France ? Seule personne du haut rang qui préside les funérailles est Jean, duc de Bedford, prince anglais.

Duc de Bedford à cheval accompagne le cortège funéraire de Charles VI le Fou / Jean Chartier, Chroniques du règne de Charles VII
Duc de Bedford à cheval accompagne le cortège funéraire de Charles VI le Fou / Jean Chartier, Chroniques du règne de Charles VII

Rétrospective du règne désastreux

La longue maladie du roi a causé la vertigineuse descente du royaume de France aux Enfers. Depuis sa première crise de folie en 1392, son oncle paternel, lucide et habile Philippe le Hardi, le duc de Bourgogne, assurait le gouvernement durant « les absences du roi ».

Mais la mort du duc en 1404 et l’évolution de la maladie de Charles VI laissaient le champ libre aux ambitions des princes et aux agressions extérieures. La rivalité violente entre Louis d’Orléans, frère du roi et régent de France, et son cousin Jean sans Peur, fils de Philippe le Hardi, se termine dans le bain de sang : le 23 novembre 1407 le duc d’Orléans est sauvagement assassiné en plein Paris par des spadassins du nouveau duc de Bourgogne.

Ce meurtre brutal divisa les Français en deux clans : les Armagnacs (partisans du fils de Louis d’Orléans, Charles, dont le beau-père, le comte d’Armagnac devient le chef militaire de tous les ennemis de Jean sans Peur) et les Bourguignons (partisans du duc de Bourgogne). A partir de 1410, la guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons ravagera la France pendant 25 ans. Dans cette querelle des princes le roi Charles VI le Fou n’est qu’un témoin impuissant  observant avec apathie la ruine de son propre royaume.

Ce n’est pas le cas d’Henri V qui depuis Londres scrute avec attention ce qui se passe dans « son royaume de France » et les vieilles prétentions des rois d’Angleterre assommées depuis 1380 se réveillent de nouveau. En août 1415, Henri V débarque avec son armée sur la côte normande sans aucun obstacle. L’armée française est écrasée à Azincourt et ce désastre est suivi par la conquête de la Normandie (1417-1419).

Henri V d'Angleterre / artiste anonyme, fin du XV s.-début du XVI s.
Henri V d’Angleterre / artiste anonyme, fin du XV s.-début du XVI s.

Les événements s’enchaînent : Paris, contrôlé entre 1407 et 1413 par les Bourguignons, est pris en 1413 par les Armagnacs et repris par les Bourguignons dans la nuit du 28 au 29 mai 1418. Cette nuit-là, le dauphin Charles âgé de onze ans, fils du roi fou et d’Isabeau de Bavière, pour échapper Jean sans Peur fut amené par ses fidèles hors de Paris. L’héritier du trône s’installe en Touraine où il devient le « roi de Bourges » et le nouveau symbole du parti Armagnac.

Le 10 septembre 1419, lors d’une ultime tentative de la réconciliation entre le dauphin et Jean sans Peur à Montereau, ce dernier est tué sous les yeux de Charles. Plus question d’alliance entre Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, et le dauphin. Les Bourguignons s’allient aux Anglais et les 20-21 mai 1420 le roi fou signe le « honteux traité de Troyes » : Catherine, sa fille, épousera Henri V d’Angleterre, qui après la mort de Charles VI sera roi de France et d’Angleterre. Le Dauphin, appelé le « soi-disant Dauphin », par « les orribles et énormes crimes et deliz » qu’il a commis, s’est rendu incapable d’hériter le trône français.

Mais le vainqueur d’Azincout n’a pas pu cueillir les fruits de ses semences. L’été 1422 apporta une terrible épidémie de la dysenterie. Henri V d’Angleterre aussi « en eut sa part » et gisait au château de Vincennes. Il meurt le 31 aout 1422, à l’âge de 34 ans, après avoir nommé son frère Jean, duc de Bedford, protecteur de son fils Henri VI (né il y a quelques mois), gouverneur de la Normandie et régent d’Angleterre.

Après le désistement du duc de Bourgogne, Bedford devient également le régent de France et c’est dans cette nouvelle fonction qu’il accompagne le cortège funéraire de Charles VI le Fou (mort quelques mois après Henri V d’Angleterre) jusqu’à Saint-Denis. Au bord de la fosse le héraut d’armes de France, après avoir crié : « Dieu veuille avoir pitié de l’âme de très haut et très excellent prince, Charles, sixième du nom, notre naturel et souverain seigneur ! », ajouta : « Dieu accorde bonne vie à Henri, par la grâce de Dieu, roi de France et d’Angleterre, notre souverain seigneur ». Le Traité de Troyes est appliqué.

Duc de Bedford délègue l’administration d’Angleterre et de Normandie à ses frères et s’installe à Paris qui devient la capitale de la France anglaise.

Maître de Paris

C’était un homme « de haute stature, aux traits énergiques, d’une intelligence aiguisée, en réalité froid calculateur capable selon les circonstances d’affabilité et de cruauté ». Son seul portrait est celui d’une miniature « Bedford Book of Hours » qui le montre avec des cheveux bruns coupés courts, nez d’aigle, un fronton et menton fuyants.

Duc de Bedford, régent de France / détail d'une miniature du "Livre des Heures de Bedford", vers 1423
Duc de Bedford, régent de France / détail d’une miniature du « Livre des Heures de Bedford », vers 1423

Le duc de Bedford confisque l’hôtel des Tournelles [cet hôtel appartenait à Louis d’Orléans et se trouvait à l’emplacement de la Place des Vosges dans le Marais] qui devient l’hôtel de Bedford, et ne se contente pas seulement de l’habiter. Il en fait une vaste et somptueuse résidence princière en étendant son domaine par l’achat des terrains et fit aménager un grand parc planté de rosiers, romarins, figuiers, pommiers, poiriers, ormes et vignes. Il y ajoute un labyrinthe, des volières et des ménageries ainsi que de superbes bâtiments (chapelles, douze galeries).

Palais des Tournelles
Palais des Tournelles

L’hôtel de Bedford devient la principale résidence parisienne du régent de France pendant toute l’occupation anglaise de Paris entre 1422 et 1435. En juin 1428 il y donna de grandes fêtes auxquelles étaient invités les Parisiens : les membres du Parlement et de l’Université, le prévôt de Paris, les officiers du Châtelet, échevins, marchands, bourgeois et même des gens du peuple, au total 8 000 personnes !

Le traité de Troyes précisait que les deux royaumes, celui de France et d’Angleterre, conservaient chacun ses institutions et ses coutumes. C’est pourquoi sur les 16 membres que comprenait le Conseil  de régence, deux seulement, étaient Anglais. Pour le reste, les Français ou plutôt les Français pro-anglo-bourguignons, comme Philippe de Morvilliers, magistrat, qui fut fait le premier président du Parlement en 1419. C’était le partisan de Jean sans Peur, le principal artisan du traité de Troyes et collaborateur actif de Bedford. On le décrit comme « le plus cruel tyran qu’homme eût jamais vu à Paris, car pour une parole contre sa volonté…  il faisait percer langues, il faisait mener bons marchands en tombereaux parmi Paris, il faisait gens tourner au pilori… »

Le duc de Bedford laissa aussi la défense de la capitale (la milice urbaine, composée de bourgeois astreints au service militaire, tel que faire la ronde, monter la garde aux murailles) entre les mains des Français, mais sous le commandement anglais.

En échange de ce régime tolérant, le serment de fidélité était exigé par le duc de Bedford. Tous devaient jurer d’être bons et loyaux sujets au régent, leur maître : « en celui mois [février 1423], furent sermentés tous ceux de Paris, c’est à savoir, bourgeois, ménagers, charretiers, bergers, vachers, porchers des abbayes, et les chambrières et les moines même, d’être bons et loyaux au duc de Bedford, de lui obéir en tout et partout, et de nuire de tout leur pouvoir à Charles qui se disait roi de France… ». Ce dernier, replié au sud de la Loire, se proclame après la mort de Charles VI, son père, régent du royaume de France et mène sans relâche les campagnes militaires contre les Anglais. Cette guerre coûte évidement cher et le duc de Bedford, affronté très vite à l’opposition du Parlement anglais, qui refusa de voter les fonds nécessaires pour la poursuivre, est obligé de chercher de l’argent par ses propres moyens.

Il trouve dans la politique de spoliations l’une des possibilités commodes de trouver vite de l’argent nécessaire et d’acquitter ses dettes. Ses partisans (auteurs et fauteurs de la conjuration de 1418, qui livra Paris aux Bourguignons) sont les premiers bénéficiaires : Perrinet le Clerc, Jean de Lisle, maîtres de la Grande Boucherie etc. Capitaines bourguignons et anglais reçurent tous des belles demeures nobles parisiennes. Bedford lui-même s’empare de l’hôtel de Clisson.

Vestiges de l'hôtel de Clisson dans le Marais actuel
Vestiges de l’hôtel de Clisson dans le Marais actuel

On disait que Bedford aimait beaucoup la France. C’est certainement par cet amour, qu’il fit main basse sur la riche collection de tapisserie de Charles VI, à l’hôtel Saint-Paul ; il acquit également, pour la somme modique  de 1 200 livres (le prix de sept cheveux), les manuscrits du Louvre (la précieuse bibliothèque de Charles V le Sage) qu’il expédia à Londres, où ils furent dispersés après sa mort. Le duc de Bedford apporte aussi en Angleterre la Royal Gold Cup, fabriquée vers 1380 pour Charles V, don du duc de Berry à son frère, toujours conservée au British Museum.

« Grandes douleurs dedans la ville…»

Et qu’était devenu le Paris, cité légendaire foisonnante de palais, d’églises et de jardins, Paris dont les étrangers enviaient les boutiques, les étuves, les fontaines, les treilles, les savants, les ménétriers et les danseurs qui voltigeaient de place en place ? Que restait-il des hôtels somptueux, des fêtes royales, des bouveries populaires ? Au lieu de ce paradis perdu, le voyageur découvrait une ville en famine, veuve de ses richesses et de sa joie.

Personne n’y rit plus, car la ville a perdu la moitié de sa population (notamment le grand nombre de notables, qui ont quitté Paris raillant le dauphin Charles). Les maisons n’étaient plus entretenues et allaient à la ruine. Des paysans terrifiés et affamés des villages voisins affluent dans la ville en recherche de refuge derrière ses murailles et de nourriture auprès des établissements de bienfaisance.

Mal ravitaillé en raison de l’interruption du commerce terrestre et fluvial, Paris souffrait en permanence de disette. Les Armagnacs gâtaient des villages comme des porcs et coupaient la route aux convois de ravitaillement : en 1423, «prirent les Armagnacs le pont de Meulan… et coururent jusqu’à Mantes  souvent piller et dérober… comme accoutumé l’avaient ». On ne trouvait plus rien aux marchés même avec de l’argent.

Des jeux cyniques reflètent le véritable combat pour la nourriture : dans la rue Saint-Honoré, on a mis quatre aveugles armés d’un bâton dans un enclos ; il y avait avec eux un cochon qui leur était promis, s’ils pouvaient le tuer. Que c’est plaisant de voir les aveugles se frapper l’un l’autre, croyant toucher le cochon. Il y avait un autre jeu : c’était celui de la perche au bout de laquelle était fixé un panier contenant une oie. La perche était ointe de graisse, et personne n’y put monter, sauf un jeune valet qui y grimpa un soir plus haut que les autres et prit l’oie.

Les épidémies errent sournoisement dans Paris : en 1427, une épidémie commença à la mi-septembre par la corruption de l’air et « une très mauvaise maladie qu’on appelait la dando… elle commençait ès reins et ès épaules, tant faisait cruelle douleur ou fort frissons… huit ou dix jours ou quinze jours qu’on ne pouvait ni boire, ni manger, ni dormir… »

Des loups osent approcher la ville. C’est surtout dans la nuit, que les Parisiens entendent leur hurlement. En 1423, « étaient les loups si affamés qu’ils entraient de nuit ès bonnes villes et faisaient moult de divers dommages, et souvent passaient la rivière de Seine et plusieurs autres à nage ; et au cimetière qui étaient aux champs, aussitôt  qu’on avait enterré les corps, ils venaient par nuit et les déterraient et les mangeaient » [être mangé par des loups, mort ou vivant, est l’une des grandes peurs médiévales]

Le froid frappe à plusieurs reprises Paris : en 1423, « fit le plus âpre froid qu’homme eût vu faire ; car il gela si terriblement, qu’en moins de trois jours, le vin aigre, le verjus [vinaigre] gelait dedans les caves et celliers, et pendaient les glaçons ès voûtes des caves… » ; en 1427,   le grand hiver revint : « le premier jour de l’an commença à geler, et dura 36 jours sans cesser, et pour ce fut la verdure toute faillie, car il n’était nouvelle ni de choux, ni de porée, ni de persil, ni d’herbes ». Le froid persista jusqu’au printemps, accompagné de pluie. Cette année-là il y avait aussi une violente inondation. On allait en bateau dans les maisons, et l’eau, qui avait gagné les étables, noya plusieurs chevaux.

Le soldat anglais agit comme partout un soldat, en maître. Il fait du tapage le soir à la taverne, entre en rixe avec des sergents à verge et force les portes des demeures des « femmes amoureuses ». Violence est partout. Une rixe à la taverne de l’Homme Armé, rue Pernelle-Saint-Paul, entre les domestiques de la duchesse de Bedford et des inconnus, montre que ces derniers sont des religieux, venus boire en « habits dissimilés ».

Paris vit replié sur lui-même. On ne peut pas sortir de la ville sans être suspecté d’entretenir des relations avec les rebelles, partisans du dauphin. Il fallait un sauf-conduit pour aller cultiver son champ dans les environs ! Le peuple ne savait plus à quel saint se vouer.

Pour renforcer le moral de la population, le duc introduit la réforme salutaire, substituant aux pièces de mauvais aloi émises par le « roi de Bourges », une monnaie d’or et d’argent, le Salut, portant l’effigie du jeune Henri VI d’Angleterre. Quelle bonne idée! En augmentant la teneur en or et en argent de la nouvelle monnaie, il encourut l’ire de la population en la forçant, sauf pour les plus pauvres, à se séparer de toutes les possessions en métal précieux sous n’importe quelle forme (bijoux, vaisselle, médailles).

C’est dans l’état d’agonie et de colère qu’au mois d’aout 1428, les Parisiens apprennent la nouvelle du siège d’Orléans par Salisbury, capitaine anglais.

La ville de Paris dû payer les frais de deux cents voitures qui menèrent à l’armée anglaise des vivres, de l’artillerie, et deux cent tonneaux de vin. La contribution mal accueillie, car le vin était si cher que les ménages n’en buvaient plus. Puis on apprit, que Salisbury si doué dans la conquête des villes et des châteaux sur la Loire, avait été apporté par une pierre de canon. Grand dommage pour Bedford qui devait quitter Paris, la veille de Saint-Martin [10 novembre], pour conduire la guerre.

Le vent tourne

La prise d’Orléans par Jeanne d’Arc et l’armée du dauphin libéra le chemin à Reims. Le dimanche 17 juillet 1429 Charles, nommé encore il y a si peu de temps le « soi-disant Dauphin », est sacrée roi de France sous le nom de Charles VII.

Sacre de Charles VII à Reims / Enluminure du manuscrit de Martial d'Auvergne "Les vigiles de la mort de Charles VII", vers 1484
Sacre de Charles VII à Reims / Enluminure du manuscrit de Martial d’Auvergne « Les vigiles de la mort de Charles VII », vers 1484

L’an mil quatre cent vingt et neuf

Reprint à luire li soleil …

(Christine de Pizan)

Le couronnement n’est pas valide par les Anglais, puisqu’au coté du roi se tenait la Sorcière, qui l’avait fait sacrer, Jeanne d’Arc. Elle a fait d’ailleurs la tentative de prendre d’assaut Paris, à la porte Saint-Honoré (au niveau du N 161, rue Saint-Honoré), le 8 septembre 1429, mais était blessée et repoussée par la milice urbaine.

Malgré la déconfiture de Jeanne devant Paris, ses habitants vite se rendent compte que les Anglais ne tiennent plus la situation en mains, ni sur le plan militaire (défaites anglaises à Orléans, Beaugency et Patay durant l’année 1429), ni sur le plan politique. Quand le duc de Bedford essaya de riposter au couronnement de Reims en faisant sacrer Henri VI âgé de 10 ans, à Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, le sacre ne fut qu’un demi-succès car le cardinal de Winchester, qui officiait, ne put oindre le jeune roi par le vrai saint-crème resté à Reims. Dans l’esprit de tous les Français, le seul véritable oint du Seigneur était Charles VII.

Sacre de Henri VI dans la cathédrale Notre-Dame de Paris / miniature du Maître de la Chronique d'Angleterre, tirée du manuscrit de Jean de Wavrin
Sacre de Henri VI dans la cathédrale Notre-Dame de Paris / miniature du Maître de la Chronique d’Angleterre, tirée du manuscrit de Jean de Wavrin

Paris ne connut pas de soulèvement populaire pendant l’occupation anglaise. Outrés par les massacres commis par les Armagnacs qui tenaient la ville entre 1413 et 1418, les Parisiens ont accepté le Traité de Troyes, qui selon eux, était le gage de paix. Mais les partisans des Armagnacs présents dans la ville ne relâchaient rien. Les complots se multiplièrent durant toute l’occupation anglaise. En août 1432, les conspirateurs faillirent ouvrir la porte Saint-Antoine aux troupes de Charles VII ; impliquée parmi les conspirateurs l’abbesse de l’abbaye de Sainte-Antoine-des Champs fur arrêtée.

Le 14 septembre 1435, Jean de Lancastre, duc de Bedford, meurt à Rouen à l’âge de 46 ans. Il mourut peut-être d’un arrêt cardiaque des suites de l’épuisement physique enduré au siège de Lagny-sur-Marne en 1432, où, payant de sa personne, il se battit pendant huit heures dans une chaleur intense, endommageant irrémédiablement sa santé.

Une semaine après sa mort, les négociations entamées en juillet entre Charles VII et Philippe le Bon ont abouti à la signature, le 21 septembre 1435, du  traité d’Arras qui scella la réconciliation entre le roi de France et le duc de Bourgogne. A partir de cette date, le seul ennemi pour les Français c’est l’envahisseur anglais.

Un an après la disparition de Bedford Paris tout entier était prêt à se soulever, d’autant plus que Charles VII avait accordé l’amnistie à tous ceux qui s’étaient compromis avec l’ennemi. Le 15 mars 1436 un nouveau serment de fidélité fut exigé des Parisiens, mais ne put être obtenu.

Délivrance

Depuis le 28 février 1436, Paris est complètement encerclé : Jean de Dunois est cantonné à Saint-Denis ; le connétable de France, Arthur III, duc de Bretagne et comte de Richemont, au pont de Charenton, au confluent de la Seine et de la Marne.

En avril 1436, l’investissement de la ville commença. Richemont dirigea l’ensemble des opérations.

A l’aube du 13 avril, une émeute populaire soulevée par Jean de Villiers, prévôt de Paris et Michel de Laillier, prévôt des marchands et chef du « parti français » dans la capitale,  contraignit les archers anglais, se heurtant aux chaînes dressées dans les rues par les habitants,  se replier vers la Bastille, pendant qu’on ouvrait la porte Saint-Jacques aux assiégeants : « Laissez-nous entrer dans Paris paisiblement, ou vous serez tous morts par famine », cria Richemont. Les portiers prirent peur et laissèrent entrer l’armée de Charles VII. Aussitôt la bannière de France est mise sur la porte et on crie : « Ville gagnée ! »

On attend un sac de Paris. Le peuple s’était refugié dans les églises : il y priait bien dévotement. Le connétable rassure tout le monde : « Le bon roi Charles vous remercie mille fois… de ce que si doucement  vous lui avez rendu la maîtresse cité de son royaume ». A tous il annonçait le pardon promis et on publia la défense de piller des maisons bourgeoises.

Le lendemain  de l’entrée des Français à Paris arrivèrent des convois de blé ; on le vendit vingt sous, alors qu’il coûtait la veille quarante-huit !

Les Anglais (350 soldats environ) repliés dans la Bastille, n’avaient plus qu’à mourir de faim. Le connétable traita avec eux de la reddition de cette place qu’ils quittèrent le 17 avril 1436.  Jamais gens ne furent plus moqués, ni hués. On leur criait : « A la queue ! » et « Au renard ! », car les Anglais portaient  des queues comme les diables, et le renard était emblème d’Henri VI.

Le vendredi suivant on fit à Paris la plus solennelle procession que l’on eût vue depuis cent ans. Petits et grands se rendirent à Saint-Catherine du Val des Ecoliers [ce couvent détruit à la Révolution se trouvait derrière la Place des Vosges]. Chacun portant une torche. Or, malgré la pluie et le vent, aucun cierge ne s’éteignit, ce qui fut tenu pour un vrai miracle. Le dimanche suivant on porta en triomphe les châsses de Sainte Geneviève et de Saint Marcel. La pluie tomba toujours, et les porteurs semblaient avoir été tirés de la Seine. Or, aucun d’eux ne tomba malade, ce qui sembla un miracle de Sainte Geneviève qui tant de fois a sauvé la bonne ville de Paris.

La commémoration de la sortie des Anglais demeura une fête nationale qui fut célébrée pendant plus d’un siècle. On trouve jusqu’au milieu du XVI siècle mention de cette cérémonie dans les registres de la ville.

Et après ?

Les rois de France résideront dans les châteaux de Vallée de la Loire jusqu’à 1527. A cette date François I revient à Paris pour lui rendre son statut de la capitale. Un jour, un religieux lui présenta un crâne de Jean sans Peur tué à Montereau portant une nette trace de la hache et il dit au roi : « Sire, c’est par ce trou que les Anglais entrèrent en France ».

Quant aux Parisiens, ils disaient que le tempérament des Anglais les portaient toujours à guerroyer avec leur voisins. En quoi ils furent biens punis, car plus de soixante mille de leurs moururent en France.

Pour en finir, la bataille de Castillon le 17 juillet 1453 mettra fin à l’interminable guerre de Cent Ans et les Anglais furent définitivement  chassés du royaume de France. Pourtant ils n’oublièrent pas sitôt le couronnement de leur roi Henri VI à Notre-Dame de Paris et les souverains anglais continuèrent à porter le titre de roi d’Angleterre et de France jusqu’en… 1801, la date à laquelle le roi d’Angleterre George III abandonne le titre de roi de France revendiqué par les monarques anglais depuis Edouard III (1312-1377) pour devenir « George III, par la Grâce de Dieu, roi du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande, Défenseur de la Foi » tout court.

J’espère cet article vous a plu. N’hésitez pas à me poser des quetions et laisser des commentaires.

Sources : 

B. Guenée, La folie de Charles VI, 2004

Champion P., La vie de Paris au Moyen Age. Splendeurs et misères de Paris, 1934

Erlanger Ph., Charles VII et son mystère, 1945

Journal d’un Bourgeois de Paris, Lettre gothiques, 1990

Remy B. Le vieux Paris. La fondation et l’évolution du Marais médiéval, 2007

En savoir plus :

  • Auguste Longnon, Paris pendant la domination anglaise, 1420-1436
  • Favier J., Paris au XV siècle, 1990
  • Minois G., Charles VII, roi shakespearien, 2005

 

21 mars 2019, Ekaterina Tolstykh    
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