Tournoi d'Henri II

Tragique tournoi d’Henri II

Le 2 avril 1559, la France et l’Espagne signent le traité de Cateau-Cambrésis qui met un terme à la guerre entre les deux royaumes. Le roi de France, Henri II, donne en gage de la réconciliation sa propre fille, Elisabeth, au roi d’Espagne, Philippe II. A cette occasion de grandes festivités sont prévues : bals, mascarades et un grand tournoi. A Paris c’est une joie générale et personne ne peut imaginer l’issu tragique de cette fête.

Rue Saint-Antoine

Où plutôt la Grande Rue Saint-Antoine. Connue dès l’Antiquité, elle mène dès le XIV siècle à la porte Saint-Antoine renforcée par la Bastille d’où le nom. La grande largeur de cette rue fut d’elle une voie triomphale, une grande promenade utilisée dans les circonstances solennelles notamment des entrées royales.

Le 30 juin, dépavée et transformée en piste sableuse pour éviter aux chevaux tout glissement, la rue est prête pour accueillir les chevaliers en lice.

Tragédie

Henri II est un bon cavalier. Il exprime son souhait de participer dans le tournoi en personne. Pourtant, des astrologues lui conseillent d’éviter « tout combat singulier en champs clos aux environs de ses quarante et unième année». Or, le roi vient d’avoir quarante ans !

A l’heure dite, il entre en lice et prend l’avantage sur ses deux adversaires, le duc de Nemours et le duc de Guise. Un troisième combat est prévu et le sort désigne le jeune Gabriel de Lorges, comte de Montgomery d’origine écossaise.

Au premier assaut, les deux adversaires rompent leurs lances sans qu’aucun d’eux ne vacille ; il n’a y pas de gagnant. Le roi, qui a couru trois assauts prévus pour chaque participant, devrait s’arrêter et laisser sa place à un autre. Mais il insiste sur une revanche. Les deux cavaliers reprennent place et arrivent au galop l’un sur l’autre. Le choc violent soulève un nuage de poussière. Quand elle se dissipe, on voit Montgomery, toujours à cheval, tenant en main un fragment de lance. Quant au roi, il glisse sur l’encolure de son cheval et tombe par terre. Un tronçon de lance est enfoncé sous une visière de son casque.

Les chirurgiens présents sur place, dont Ambroise Paré, portent le roi sous une tente. Quand ils enlèvent son heaume, un flot de sang s’échappe… la lance a crevé l’œil et atteint le cerveau. On le transporte à l’hôtel des Tournelles qui se trouve à deux pas. Chapelain, premier médecin ordinaire, prend l’avis de Paré, qui n’ose pas dire qu’il n’y a rien à faire, la blessure est mortelle.

Pendant quatre jours, les chirurgiens hésitent à intervenir ! Pour reconstituer le trajet de la blessure, on fait décapiter quatre criminels au Grand Châtelet et on tente, en frappant leurs têtes à l’aide d’une lance, de reproduire la blessure royale. En vain… Le 10 juillet 1559, Henri II expire après une longue agonie.

Toute la cour prend le deuil. Aux funérailles, Catherine de Médicis, frappée de stupeur et muette de douleur, apparaît vêtue de noir, la tête couverte d’un voile, dans le costume de veuve inconsolable qu’elle portera sa vie durant. Ce coup brutal du destin fit d’elle la principale tête politique du royaume. Durant près de trente ans (1560-1588) rien ne se fit sans elle. Les trois fils d’Henri II (François II, Charles IX et Henri III) furent tous les rois, mais se trouvèrent comme mis à l’ombre par leur mère, une véritable femme d’Etat. Au cours de son « règne » elle s’affronta aux terribles Guerres de Religion qui causèrent tant de maux au royaume de France.

Prophétie de Nostradamus

Dans l’immédiat, on parle de Michel de Notre-Dame, dit Nostradamus, qui avait publié quatre ans plus tôt l’un de ses quatrains (N 35). A l’époque sa prophétie avait parue dénuée de sens :

« Le lion jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duel,
Dans cage d’or ses yeux lui crèvera
Deux plaies une, puis mourir, mort cruelle »

Le roi âgé de 40 ans, « vieux » lion, arborait parfois un lion pour emblème. Le « jeune lion » n’était autre que Montgomery qui avait 33 ans. L’Ecosse a pour emblème héraldique un lion rampant. Lors d’un combat singulier, l’œil du roi fut crevé malgré la protection d’une « cage d’or », la visière dorée de son casque. Enfin, le roi est mort d’une mort cruelle.

Cette prédiction eut pour conséquence la nomination directe de Nostradamus en tant que médecin ordinaire du roi de France, Charles IX, et un accroissement de son prestige parmi la noblesse, dont de nombreux membres vinrent le consulter tant pour leur santé que pour leurs affaires personnelles.

Et Montgomery ?

Sur son lit de mort Henri II exonère Montgomery de toute faute : « Ne vous souciez pas… ayant obéi à votre roy et fait acte de bon chevalier… vaillant homme d’armes ». Pourtant, le jeune comte jugea plus prudent de s’enfuir le jour même du drame. Il part en Angleterre où il adhère le Protestantisme. De retour une dizaine d’années plus tard dans une France en pleine guerre civile il affronte le pouvoir royal. Ayant échappé de peu au massacre de la nuit de Saint-Barthélemy, sa tête fut chèrement mise à prix par Catherine de Médicis. Gabriel de Montgomery fut capturé en Normandie, ramené à Paris et torturé avant d’être décapité, le 26 juin 1574, en place de Grève.

Le saviez-vous ?

• C’est à Victor Hugo qu’on doit cette exclamation : « C’est le coup de lance de Montgoméry qui a créé la place des Vosges ! »

En effet, aussitôt après la mort du roi le palais des Tournelles est rasé sur l’ordre de Catherine de Médicis pour laquelle cette demeure n’est qu’un douloureux souvenir. C’est ce vaste terrain carré, resté inoccupé après la destruction de l’ancienne résidence royale, qu’Henri IV choisi pour y créer en 1605 la Place Royale, actuelle Place des Vosges.

• Tournoi ou joute ?

Une joute est un affrontement de deux cavaliers en lice, tandis qu’un tournoi est un ensemble des épreuves martiales, grand rassemblement de la chevalerie à l’occasion des festivités.

• La tragédie du 30 juin 1559 signa du même coup l’arrêt de mort des tournois en France. Cette épreuve équestre fut remplacé par des jeux d’adresse martiaux (la quintaine, le jeu de l’anneau ou les carrousels).

Sources :
Francis X. King, Stephen Skinner, « Nostradamus. Les prophéties réalisées et les prédictions pour la fin du millénaire », 1994
D. Chadych, Le Marais. Evolution d’un paysage urbain, 2014
J.-P. Poirier, Ambroise Paré, Pygmalion, 2005
P. Chevalier, Henri III, Fayard, 1985
12 août 2018, Ekaterina Tolstykh    
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